top of page

[jeu-vidéo] Escape Game & Design

Cet article ne représente que mon opinion. Je n'ai pas fabriqué les jeux ou leurs énigmes, je voulais partager mon expérience.

       L'an dernier, j'ai eu l'opportunité de travailler quatre mois dans un Escape Game en tant que Game Master, c'est-à-dire que je gérais les préparations et rangements de salles de jeux, l'accueil des clients et surtout, le suivi des joueurs.

En effet, ceux-ci sont surveillés pendant leur session afin de s'assurer qu'il n'y a pas de problème matériel, qu'ils ne buttent pas pendant trop longtemps sur une énigme etc., pour cela je pouvais les suivre grâce à des caméras (qui filment mais n'enregistrent pas) et d'un micro pour communiquer.

       A chaque nouvelle session, j'effectuais d'abord un résumé obligatoire aux équipes sur l'origine des escape games, les questions de sécurité, la bonne conduite du jeu, avant de les emmener dans la première salle et de leur expliquer le scénario et leur mission avant de les livrer à eux-mêmes. Pendant qu'ils avaient les yeux bandés et qu'ils m'écoutaient, j'en profitais pour vérifier brièvement si tout était bien à sa place (il arrivait qu'un autre game master range la salle ou pour m'assurer de n'avoir rien oublier). Je les observais ensuite sans intervenir pendant une dizaine de minutes avant de commencer à les aider un peu. Sur l'heure que dure la partie, ces dix premières minutes permettent aux joueurs de regarder autour d'eux, de se faire aux décors, de comprendre quoi faire, bref cela leur permet de s'échauffer et d'esquisser la dynamique du groupe pour le reste du jeu (une personne qui s'obstine dans un comportement influe directement sur toutes les autres). S'il n'y avait pas de problème matériel, je m'en tenais à ces dix minutes, refusant de leur répondre pour qu'ils prennent l'habitude de se débrouiller sans moi plutôt que se tourner vers moi à chaque fois qu'ils buteraient sur une énigme.

A la fin du jeu, je leur donnais leur temps, revenais avec eux sur les différentes énigmes du parcours, sur leur performance, je leur laissais ensuite le temps de se poser entre eux avec une boisson pour en discuter et se détendre pendant que je rangeais le jeu terminé, avant de leur proposer une photo et de passer au groupe suivant dans le jeu suivant.

       Ce qui ressort le plus de cette expérience, c'est l'impression d'assister à de multiples playtests.

Le game master, derrière son écran, observe les joueurs se mouvoir, interagir entre eux et avec le décor, leurs profils s'esquissent ainsi, leur sens de la coopération étant mis à l'épreuve et créant une dynamique de groupe. Le game master va donc devoir adapter son attitude au groupe, par défaut j'avais l'habitude de me montrer de bonne humeur et de faire de l'humour, mais il arrivait que certains groupes réagissent mal aux blagues ou aient besoin que j'adopte une attitude différente, comme plus de fermeté et étant humain, après une session éprouvante, j'avais parfois plus de mal à rester enjoué avec le groupe suivant, or mes interventions faisaient partie du déroulé naturel du jeu, je ne pouvais pas volontairement laisser une équipe couler.

       Ces personnes venaient pour s'amuser et être confrontés à des challenges, pas pour s'énerver (pour la plupart d'entre eux) et se perdre ou se sentir ignorés. Je devais donc être en mesure de les motiver à avancer, de les aider quand c'était nécessaire (en faisant en sorte qu'ils en aient le moins conscience possible) et de les calmer lorsqu'ils s'énervaient. Sans compter les problèmes techniques, toute la journée les salles étaient mises à l'épreuve par des groupes de 4 à 8 personnes environ et il arrivait parfois qu'un indice ait été mal rangé, qu'un mécanisme ne fonctionne pas etc. Il fallait donc s'adapter à ces situations (en gardant en tête que je ne devais rentrer dans les salles que dans le pire des cas). A force de voir les parties s'enchaîner, je pouvais voir si les objectifs ou les énigmes étaient clairs à comprendre, si les indices les aidaient réellement, s'ils ignoraient quelque chose, et noter ainsi les soucis d'équilibrage. Evidemment, des passages étaient volontairement corsés, mais aucun obstacle ne devait être insurmontable. Rapidement, je connaissais chaque énigme, chaque solution, chaque code, combien de temps ils devaient en théorie passer sur chaque étape de chaque jeu et je savais par habitude ce qui pouvait les aider, les encourager à continuer, les guider à trouver par eux-mêmes ce qu'il fallait faire.

       Lors du dé-briefing, nous revenions sur les différents puzzles du jeu et cela me permettait à la fois de ménager leurs egos et de les féliciter et à la fois de comprendre la nature de ce qui avait posé problème. On m'avait dit de ne jamais admettre qu'il y avait un soucis, qu'un collègue ou moi-même avions fait une erreur, je trouvais ça dommage, et tout en restant diplomates, nous nous efforcions tous de nous montrer honnêtes malgré ce que nous ne pouvions pas dire. Il y avait des créneaux de jeu de 9h du matin jusqu'à 22h et il fallait que tout se passe au mieux et savoir réagir face aux problèmes techniques qui auraient pu provoquer l'impossibilité de terminer une partie, l'annulation d'un créneau, voire la fermeture pour la journée dudit jeu ce qui impliquait de nous montrer malins lorsque nous ne pouvions plus faire autrement. Je rapportai les difficultés rencontrées par les équipes afin que nous puissions trouver une solution.

Le game master fait corps avec les jeux, si les salles sont des niveaux, des level designs qui doivent orienter les joueurs et savoir attiser leur curiosité, le game master fait office de tutoriel et de maître du jeu. Travailler dans un escape game a été une expérience intéressante (et plaisante) pour moi qui suis game designer, je faisais de la psychologie des joueurs, je voyais comment les salles étaient construites pour que les joueurs aient une idée de quoi faire, comment les énigmes fonctionnaient sur du court ou long terme.

Gabin Jirodet

18/09/2017

compte à rebours
bottom of page