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L'Univers de NieR

Cet article ne représente que mon opinion.

"NieR": par-delà le jeu

       Cryptique, “NieR” l’est assurément. C’est un jeu fournit qui ne se dévoile que sous la curiosité et les hypothèses a su conjuguer plusieurs thèmes et puiser son inspiration de manière variée. Pourtant, le jeu n’est pas exempt de défauts et on peut facilement lui reprocher de devoir se diriger vers ses extensions pour pouvoir comprendre la globalité de l’univers. Cependant, le jeu vidéo “NieR” reste une oeuvre complète en elle-même avec son début, ses péripéties et sa fin. Voyons ensemble ce qu’invoque NieR pour captiver les joueurs.

Le conte

       “NieR” est bourré de références aux contes de fées, des noms de personnages à la structure de son histoire, aux lieux visités aux descritpifs des armes, ils sont partout.
Pendant les premiers temps du développement, il aurait été envisagé que les mondes dépeints dans les contes de fée existent et que le joueur affronte des monstres en sortant tout droit.

       Un conte est un récit imaginaire visant à distraire ou édifier par sa force émotionnelle ou philosophique, le conte de fées, son sous-genre, lui prend la forme d’une quête où des personnages et des situations fantastiques viennent trouver les personnages principaux. L’apparente simplicité narrative du récit venant soutenir sa portée symbolique ; comme nous l’apprennent le dictionnaire.

       Dans le jeu, “NieR” est un personnage qui prend soin de sa fille (ou sa soeur) malade, il fait tout pour l’aider. Sa quête l’entraîne à voyager, allant de rencontres en rencontres dans l’espoir de trouver un remède. Lorsque Yonah est enlevée, il part à son secours, arpentant le monde jusqu’à la libérer des griffes d’un être démoniaque qui voulait l’utiliser.

Parce que “NieR”, c’est deux histoires, c’est aussi Nier un homme qui veut protéger sa fille (sa soeur) et qui est prêt à se damner pour elle. Après avoir plongé Yonah dans un sommeil artificiel qui l’empêchera de mourir, il est prêt à tout pour la sauver. Lorsqu’il trouve enfin ce moyen, il doit lutter contre un être maléfique.

Qu'ils soient frères ou pères, les deux personnages pour les mêmes raisons se lancent chacun dans une quête désespérée pour sauver la seule personne qu'ils ont dans leur vie, évoquant des contes comme "Hansel et Gretel", rencontrant des créatures fantastiques et des personnages détenteurs de savoirs ou de tentations comme Devola et Popola ou les Grimoires et feront face à de nombreux sacrifices pour atteindre leur objectif.

       “Peu importe le point de vue, les deux camps pensent être dans le bon”, c’était le parti-pris de Yoko Taro lors du développement. La violence décomplexée dont fait preuve les personnages et le destin funeste et inattendu des protagonistes servent à mieux faire passer les propos du jeu à travers une histoire qui, sous ses airs simplistes, déploie peu à peu ses ramifications et conjuguent habilement le drame et la violence souvent crue et brutale des histoires pour enfants comme dans “Cendrillon” où les deux belles soeurs de l’héroïne se coupent des parties du pieds pour entrer dans la chaussure de vair ou encore le suicide de la Petite-Sirène après n’avoir pu se résoudre à poignarder l’homme qu’elle aimait.

Le jeu entier prend la forme d'un conte pour le joueur, la dimension féérique du titre se déploie dans l'alternance d'instants angoissants et de moments légers dans des lieux typiques comme la mystérieuse forêt et en utilisant des thématiques connotées telle que la relation entre deux frères orphelins ou un sommeil éternel.

       Les personnages secondaires comme les antagonistes de “NieR” ont presque tous un lien avec les contes de fées, interpellant ainsi le joueur attentif, le poussant à s’interroger.
Ces personnages partagent des traits communs ou une histoire similaire, souvent tragique, avec leurs homonymes. Ainsi des enfants disparaissent, des bruits étranges se font entendre à certains endroits, des créatures peuplent le monde... Ces ressemblances sont également liées à l’histoire des lieux où se trouvent les personnages comme les références à “Pinocchio” dans la Montagne des Robots, sans compter que chaque lieu baigne dans l’influence particulière d’un ou plusieurs contes, les “Mille et Une Nuits” à Façade, “Peter Pan” dans la Ville de l’Aire ou encore “La Petite-Sirène” à Littoral.

       En plus des liens avec les contes, des histoires fédératrices et empruntes de morales, "NieR" fait parfois référence à des évènements tirés de la Bible comme la Muraille de Jéricho enclavant le quartier de Shinjuku à Tokyo, la transformation en statue de sel comme c'est arrivé à la femme de Loth ou encore le prénom original de Yonah "Jonah" en lien avec le prophète juif qui a d'abord fui le commendement de Dieu puis l'a finalement prié alors qu'il était dans le ventre d'un poisson géant l'ayant avalé ou encore le remède imparfait contre l'albinovirus, le Luciferase. Ces références religieuses, tout comme pour les contes, ancrent l'univers du jeu dans un univers connu tout en lui conférant une dimension mythique et sont autant d'éléments référencés originaux pour le public nippon. La religion accentue des thèmes omniprésents comme la notion d'âme et de salut et tout en puisant dans un vaste réseaux d'histoires tragiques ou édifiantes à morales et valeurs fortes ayant occupées une place importante dans l'histoire de l'Humanité, tout comme les contes. Il faut souligner que la place de la religion est plus  importante encore dans la suite du jeu "NieR Automata".

       Le but étant de créer un écho narratif qui accentue l’impression d’être dans un monde imaginaire où tout peut arriver contrastant avec les ruines de civilisation que l’on peut voir un peu partout, le joueur peut oublier ses repères, il est dans le domaine du merveilleux, du fantastique et de toute la noirceur que cela implique.

La Philosophie

       “NieR” fait passer des thèmes et idées fortes par le prisme de sa narration et de son gameplay, agrémentant son propos d’une profondeur pertinente. L’un de ses aspects évident est l’importance des mots.
D’une part, évidemment, à cause des dialogues, de ce qui est dit et gardé sous silence, permettant au joueur de mieux s’imprégner d’une scène notemment durant les parties suivantes lorsque le joueur peut enfin comprendre les paroles
des Ombres, mais également par de plus amples aspects.
Pour commencer, la maladie dont souffre les Replicants après que leur Gestalt ait rechuté : la Nécrose Runique, où des runes noires apparaissent sur le corps du malade, des lettres incompréhensibles pour le joueur et probablement pour tout le monde.

La magie qu’utilise Nier grâce à Grimoire Weiss, les Vers Scellés, reprend ses runes, soulignant leur côté surnaturelles, des cercles dans lesquels sont inscrites des runes apparaissent dans les airs, ou des runes volent autour de Nier, mais les runes sont présentes. L’acte de nommer son personnage intervient à la création d’une nouvelle partie et dans la fin A et D, dans la première le joueur écrit son prénom pour aider Replicant Yonah à se rappeler de son père tandis que dans la dernière il effectue un acte suprême qui vient renier tout le jeu en donnant une dernière fois son nom, son identité, pour être effacé.
Imprégnés de vérités ou de puissances, les mots sont autant de supports 
contenant quelque chose de plus grand, une récurrente dans le jeu.

       Si la dissociation entre contenu et contenant occupe une place importante dans l’oeuvre, à aucun moment le contenant n’est délaissé ou discriminer, au contraire même, c’est une notion essentielle qui vient éclipser et traverser toute l’oeuvre. Dans un monde, vestige d’un autre temps où tous les lieux ont été réinvestis de nouvelles croyances et fonctions, des personnages, plus que des coquilles des réceptacles, ont appris à avoir une conscience, à parler, rire, manger, mourir. La notion de corps et de contenant est au centre de l’expérience narrative. "NieR" parle de ce que l’on a toujours, de ce que l’on pourrait avoir et le place en opposition avec ce qui a été perdu comme Yonah par exemple, chaque aspect du jeu n’est pas ce qu’il semble au premier abord et ces contenants multifacettes se révèlent sous la curiosité du joueur.

Le joueur incarne l’un de ses “vaisseaux vacants”, un Replicant qui devrait être vide et qui pourtant s’est empli sans Gestalt. Ce sont les sacralités du corps et de l’esprit qui s’affrontent. Lequel devrait prédominer sur l’autre ? Si chaque camp prétend être prioritaire en voulant retrouver le corps modélé pour lui ou en voulant présever la vie qu’il s’est bâtie, une réelle réponse absolue est impossible. Les deux devraient normalement aller de pair mais le jeu ne l’autorise pas et pousse le joueur à se forger une opinion même s’il est poussé dans le sens des Replicants d’abord puis introduit à celui des Gestalts dans ses parties suivantes.

       “NieR” prend place dans le futur lointain d’une époque contemporaine à la nôtre, il raconte l’effondrement de la société, ses tentatives désespérées pour survivre tant d’un point de vue individuelle que pour l’espèce humaine toute entière. Yoko Taro avait à coeur d’explorer une nouvelle fois le comportement humain et son rapport à la violence en se plaçant cette fois non pas d’un point de vue qui condamne mais d’un point de vue qui tente de comprendre, de montrer en quoi et pourquoi chacun des camps pense être dans le juste par rapport aux autres, que ce soit dans la structure principale ou dans les petites histoires des personnages secondaires. Les besoins et espoirs des personnages influent sur leurs comportements. "NieR" joue habilement sur les intentions du joueur et sa culpabilité en le présentant comme un monstre, un être sans coeur lors de certains passages qui viennent retourner toute une situation.

L’exemple le plus manifeste est l’obtention du New Game + dans lequel le joueur est invité à rejouer, donc à reproduire, ce qu’il a déjà fait sauf que cette fois il va comprendre les Ombres, et le jeu se referme alors sur lui, il ne peut pas faire demi-tour, il ne peut pas changer d’avis, il a déjà perpétré ces actes et ne peut que les reproduire à nouveau comme la destruction des innocents P-33 et Kalil par exemple. Un exemple de retournement de situation se situe pourtant déjà dans la première partie du joueur lorsque la Ville de l’Aire est devenue un repère d’Ombres, ceux-ci vivent à l’air libre, discutent, commercent, sont avenants, ils sont tout ce que l’on attendrait d’un être humain et déjà dans cette partie-là le joueur les extermine jusqu’au dernier, ces êtres qui ne se montrent agressifs qu’une fois menacés.

Ces inversements de valeur poussent le joueur à s’interroger sur ses actes, à ne rien prendre pour acquis sans considérer la situation dans son ensemble à chaque instant. “NieR” est en cela proche d’un monde réel, notre monde, où tout un chacun pense agir pour le mieux et doit vivre avec. Autant d’éléments qui s’appliquent à notre monde...

Le jeu dépasse alors le cadre du disque et va plus loin que les apparences.

Game Design

       “NieR” appose une vision particulière du gameplay, de sa jouabilité, les différents partis-pris venant renforcer ses messages et son histoire et s’inscrivant naturellement dans la progression globale du jeu, sa progression. Ainsi le jeu propose-t-il sous ses airs d’action-RPG mâtinés de beat’em up de nombreuses phases de jeu qui viennent rythmer l’aventure comme des phases de shoot, de pêches, d’aventures textuelles ou d’infiltrations.
Couplés aux comportements de caméra : passage en noir et blanc, caméra passant en vue du dessus ou de côté, le gameplay contribue à donner un sentiment de richesse et de diversité, comme lorsque dans le Manoir d’Emil lorsque la caméra
 se place en vue du dessus pour faire écho au genre hack’n slash où le joueur affronte à tour de bras un nombre important d’ennemis. Si ce gameplay versatile peut en rebuter certains, il confère au titre une allure généreuse, destiné à ne pas lasser le joueur, et renforçant des moments grandioses ou intimes, frénétiques ou contemplatifs.
       “NieR” fait également de
nombreux clins d’oeil à d’autres licences comme “Drakengard” bien sûr, mais également “The Legend of Zelda” ou encore “Resident Evil”. "NieR" est un jeu conscient de l’industrie dans laquelle il a été développé et qui fait face à un héritage conséquent. Il encourage et critique tour à tour, par ses nombreuses situations, une industrie qui tient le joueur par la main sans savoir se renouveler suffisamment, rejoignant l’importance qu’accorde Yoko Taro à ce que les mécaniques d’un jeu viennent soutenir un propos en s’affranchissant des courants actuels plus terre-à-terre qui fonde leurs projets sur des études marketing ou enfermant leurs projets dans les cases d’un genre défini ; tout en saluant des licences ou des mécaniques de jeu qu’il estime. La conférence que Yoko Taro a donné en 2014 à la GDC (Game Developper Conference) ne s’appelaitelle pas “Designing weird games for weird people” (designer des jeux bizarres pour les gens bizarres) ? Celui-ci la concluait d’ailleurs en indiquant qu’à l’âge qu’il avait, il était grand temps que les nouvelles générations de développeurs viennent secouer une industrie paresseuse, les cartes étant désormais dans leurs mains !

Dans le prochain article : Conclusion

Gabin Jirodet

19/03/2018

Liens utiles :

       J'essaierai de toujours publier les sources que j'ai utilisées pour mes articles, toutefois puisque tout vient de mon livre, celles-ci étaient parfois mélangées. La TOTALITÉ des sources utilisées figurera donc à la fin de mes analyses dans une colonne dédiée.

fr.wikipedia.org/wiki/Conte

www.larousse.fr/encyclopedie/divers/conte/36566
fr.wikipedia.org/wiki/Conte_merveilleux

fr.wikipedia.org/wiki/Loth

https://fr.wikipedia.org/wiki/Lucifer

https://en.wikipedia.org/wiki/Jonah

http://tvtropes.org/pmwiki/pmwiki.php/VideoGame/NieR

https://www.youtube.com/watch?v=OO_d3fwTNPo

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