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L'Univers de NieR

Cet article ne représente que mon opinion.
NieR poste

La Narration dans "NieR"

       Nous l’avons vu, le scénario de “NieR” est complexe, pour ne pas dire compliqué, et très dense de par la multitude d’événements qu’il présente, dressons d’abord un bilan de celui-ci avant de poursuivre.

Bilan du scénario

       Dense et inattendue, la narration de “NieR” s’ouvre de plus en plus pour redéfinir l’expérience du joueur à quelques minutes de la fin. Intimiste tout d’abord, le jeu se concentre sur la volonté de Nier de prendre soin de sa fille malade dans un petit village avant d’inclure la présence d’autres personnages qui viendront rejoindre l’aventure une fois le protagoniste libre d’explorer le monde, puis après l’attaque du Village de redéfinir l’aventure en une quête désespérée contre le temps.
C’est hélas également une des faiblesses du scénario, l’histoire est très téléguidée avec très peu d’éléments annexes ou secondaires, en termes de lieux notamment, le joueur trouve des fragments s’en même s’y attendre ou qu’on lui explique comment il est possible que vaincre un arbre mystique lui octroie un morceau de pierre pile au bon moment. C’est aussi pour cela que de très nombreuses explications sur les Gestalts et les Replicants ne viennent qu’à la toute fin, pour garder du mystère et l’élément de surprise, certes, mais cela à presque forcer les développeurs à donner un important nombre d’informations d’un coup au joueur, allant même jusqu’à interrompre une cinématique pour laisser au joueur un peu de temps pour lire des documents, rompant complètement le rythme de la scène.
Doté de nombreuses quêtes annexes, celles-ci sont très inégales en qualité et intérêt, parfois typées “quêtes fedEx” d’après le service de livraison américain et signifiant que le joueur se contente d’amener un objet d’un point A à un point B ou parfois plus inspirées d’un point de vue narratif comme les disparitions d’enfants de la Forêt des Mythes ou l’idée de fabriquer un masque de mariage au Roi de Façade. De la même manière, le jeu sous-entend que les Ombres craignent la lumière du jour et que le cycle jour/nuit n’existe plus bien qu’Emil fasse explicitement référence à la nuit et la Lune ou que tous les environnements soient éclairés comme en plein jour. En dépit de tout ça, “NieR” demeure malgré tout bien écrit et incroyablement immersif et prenant.
       Le jeu puise évidemment dans l’expérience du développement des deux précédents “Drakengard” en termes de narration comme la cruauté du destin ou la remise en question de la violence tout en explorant de nouveaux horizons, ainsi “NieR” porte en lui un élément absent ou mis en retrait des autres productions : l’espoir. Le jeu ne se veut pas moins dramatique, mais plus nuancé dans ses propos, ce n’est plus tant la violence qui appelle la violence, mais l’espoir qui devient vecteur des différentes motivations des personnages et provoque une ironie dramatique, presque cynique, en voyant les actions de certains personnages comme Gideon qui est obsédé par une Ombre et un robot ou le destin lui-même pour Fyra qui est attaquée par un loup-Ombre le jour même de son mariage. Contrairement à “Drakengard” ou à d’autres jeux d’ambiance fantasy, il n’y a pas de dragons, de fées ou de créatures fantastiques hormis les Ombres et la magie, le jeu laisse donc une impression d’événements à échelle humaine et accentue le côté fantastique par sa sobriété.
L’objectif d’écriture de Yoko Taro était de faire ressentir quelque chose, une émotion forte, au joueur au-delà même du scénario ou du gameplay tandis que l’industrie vidéo-ludique s’engonce dans une impasse faite de jeux bien faits, mais échouant à faire ressentir quoi que ce soit, selon lui.
L’influence du 11 Septembre 2001, évoquée plus tôt, se retrouve dans le fait que dans un camp comme dans l’autre, on pensait agir de la bonne manière et luttant contre l’autre, se posant alors la question : pourquoi ?
A quoi tout cela ressemblait de leur point de vue ? Cette thématique se retrouve dans “NieR” où les différents personnages, peu importe qu’ils soient Replicants ou Gestalts, pensent être dans leurs droits. En voulant réintégrer les corps qui furent modelés à partir des leurs ou en voulant se défendre contre des Ombres invasives. Chaque camp emploie des moyens radicaux, usant de la force pour prendre ou défendre ce qu’ils estiment être à eux. Dans le but de sauver Yonah, Nier devient une machine à tuer, massacrant toutes les Ombres sur son passage sans se poser de questions ! Cette violence exacerbée qui vient contraster avec le nombre de fois où il apaise les tourments de ses amis, tourments qu’il ne semble pas ressentir, est mise en exergue lors des parties suivantes où toutes les actions du joueur prennent une nouvelle dimension en comprenant les Ombres : ainsi il a massacré une petite Ombre qui était devenue ami avec un robot et qui voulait se protéger l’un l’autre dans la Forteresse des Robots, il a massacré toutes les Ombres qui avaient élues domicile dans la Ville de l’Aire et qui aspiraient à vivre au grand jour et surtout en paix avec les Replicants comme le témoigne la lettre reçue par Popola qui indique l’ouverture d’un marché ! L’absence d’un dialogue constructif est en partie la cause de ces événements tragiques.
       En vérité, il n’y a pas de bonnes réponses dans “NieR”, chaque camp se bat pour sa survie dans une lutte radicale où nul armistice n’est pas viable à long-terme.

Présentations de l'analyse

       Riche en rebondissements, la narration de “NieR” est renforcée par de multiples aspects comme des lieux vecteurs d’émotions et d’histoires ou des personnages travaillés venant apporter des couches supplémentaires d’informations.
Nous allons ici nous pencher sur chacun des lieux et à travers lui sur les personnages principaux, ennemis ou secondaires (ceux qui sont nommés) intéressants à étudier qui lui sont liés ainsi que les armes et éléments notables intéressants sortant du lot.

Gestalt & Replicant

       Avant toutes choses, revenons sur un principe fondamental du jeu, les Gestalts et les Replicants. Nous allons ici résumer simplement ce que sont ces deux états d’existence.
Pour échapper aux Légions nées de l’albinovirus, l’Humanité a créé le Projet Gestalt, le principe : séparer les âmes de leurs corps ; complété ensuite par le Projet Replicant : créer des répliques des corps, des coquilles artificielles, dans lesquelles les âmes pourraient retourner lorsque l’Humanité n’aurait plus rien à craindre.
Les Gestalts sont donc les âmes des êtres humains, elles sont appelées “Ombres” dans le jeu à cause de leur apparence et lorsqu’elles passent trop de temps loin de leur corps, elles deviennent folles et agressives, on dit qu’elles “rechutent”
Ce terme signifie que la personne redevient, retombe, malade, cependant le terme de “rechute” est habituellement associé à la drogue, l’alcool ou autres vices d’une manière négative, comme si c’était une mauvaise habitude à laquelle n’a pas su ou pu résister un Gestalt. En anglais, le terme utilisé est “relapse”, si son sens est équivalent au terme de français, le mot “relaps” peut également être associé au “relaps religieux” qui implique qu’une personne est retombé dans l’hérésie, s’est éloignée de la foi chrétienne, après l’avoir pourtant déjà abjurée une première fois.
Si au début tous les Gestalts “rechutaient” immédiatement, grâce aux cellules de Nier, tous sont devenus stables et ne commencent à “rechuter” que lorsque les Replicants se battent contre eux.
Les Replicants sont donc des corps artificiels qui devraient normalement attendre que le Gestalt auquel ils appartiennent ne viennent les retrouver depuis qu’ils ont terrassé les Légions et débarrassé la Terre du maso. Lorsqu’un Replicant meurt, il est simplement recréé à l’identique à l’aide des données sauvegardées par les Observateurs. Seulement les Replicants se sont mis à développer une conscience et à rejeter les âmes auxquelles ils appartiennent. Lorsqu’un Gestalt “rechute” parce qu’il ne peut retrouver son corps, son Replicant développe la Nécrose Runique en réponse. Le jeu met donc en scène un cercle vicieux entre “rechute” et Nécrose Runique, Gestalt et Replicant.

       D’ailleurs, les noms de “Gestalt” et “Replicant” ne sont pas anodin, ainsi le terme “gestalt” pourrait être une référence à une thérapie allemande centrée sur l’interaction constante de l’être humain avec son environnement, aucun être vivant ne pouvant s’empêcher d’avoir un impact sur son environnement et vice versa, ce pourrait aussi être une référence au gestaltisme (psychologie de la forme) qui est, selon Wikipédia, une théorie psychologique, philosophique et biologique, selon laquelle les processus de la perception et de la représentation mentale traitent spontanément les phénomènes comme des formes globales, structurées ou non, plutôt que comme l’addition ou la juxtaposition d’éléments simples. Cette théorie a aussi influencé le monde du design et de l’illustration. Les Gestalts du jeu sont des âmes privées de corps, des formes aux contours flous dans un monde dans lequel ils ne peuvent exister pleinement, leur apparence est celle d’un corps sombre, flou, vestige de l’enveloppe qui devrait être autour d’elle.
        Un clin d’oeil direct au film “Blade Runner” est présent dans le jeu, le terme de Replicant étant un emprunt direct au film de Ridley Scott sorti en 1982 et adapté de la nouvelle “Les Androïdes rêvent-ils de moutons électriques” de l’écrivain américain Philip K. Dick. Dans le film, les Replicants sont des androïdes créés pour servir d’objets sexuels ou d’esclaves et qui ont développé une conscience, un libre arbitre qui les pousse à se rebeller. Le film jouant évidemment sur les notions de ce qui fait un être humain et une machine, de pourquoi le fait qu’ils soient libres est une menace et va jusqu’à laisser planer le doute quant à la nature même du protagoniste Deckard.
Androïdes ? Robots développant une conscience ? Doute quant à la nature de certains personnages ? Autant d’éléments présents dans “NieR” qui viennent soutenir son propos.

design graphique
Pries dans Blade Runner

Dans le prochain article : Le Village

(un bilan sur les thèmes du jeu sera présent après l'analyse des cas par cas)

Gabin Jirodet

04/12/2017

Liens utiles :

       J'essaierai de toujours publier les sources que j'ai utilisées pour mes articles, toutefois puisque tout vient de mon livre, celles-ci étaient parfois mélangées. La TOTALITÉ des sources utilisées figurera donc à la fin de mes analyses dans une colonne dédiée.

http://www.siliconera.com/2014/03/20/nier-drakengard-creator-says-nier-inspired-9-11/

http://blog.wecoprod.com/gestalt-psychologie-design/

https://fr.wikipedia.org/wiki/Psychologie_de_la_forme

https://fr.wikipedia.org/wiki/Gestalt-th%C3%A9rapie

https://lawyerist.com/gestalt-theory-law-firm-website/

https://fr.wiktionary.org/wiki/relaps

Blade Runner de Ridley Scott, d'après le roman "Les Androïdes rêvent-ils de moutons électriques", 1982

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